Le Florimont: quand le génie humain sublime la beauté naturelle !

350 Millions d’années d’histoire naturelle racontées en seulement 600 mètres… Qui dit mieux?

Le site du Florimont est un ensemble de deux collines : Le Sommerberg, recouvert de vignoble à gauche et le Dorfbourg à droite abritant la carrière dite du Florimont et une petite forêt.

Bloc diagramme et extrait de la carte géologique

Boutantin© d’après Ruhland et brgm©.

  • 12 : Jx, alluvions récentes
  • 11 : g1, conglomérats et marnes interstratifiés du Lattorfien (Cénozoïque)
  • 10: j2, lentille de marnes à Rhynchonella alemanica du Bathonien
  • 9: j1c, calcaire oolithique du Bajocien supérieur
  • 8 : J1b, marnes et calcaires du Bajocien moyen
  • 7 : l6b, marnes à nodules à Leioceras opalinum de l’Aalénien
  • 6 : l5c marnes argileuses à Litoceras jurense du Toarcien
  • 5 : I4b-c, marnes à nodules de Amaltheus margaritatus du Pliensbaschien
  • 4 : I3a-2, calcaires et marnes à Gryphées, Hettangien-Sinémurien
  • 3 : t5, calcaire bleuté à entroques du Muschelkalk supérieur
  • 2 : t1, grès vosgien du Buntsandstein moyen (Mésozoïque)
  • 1 : γ1f , granite à deux micas de Turkheim (Paléozoïque).
  • FV : Faille Vosgienne.
  • FR : Faille Rhénane.

Pourquoi faut-il y aller ?

Parce que c’est beau ! Parce que 350 millions d’années d’histoire racontées sur seulement 600 mètres, c’est plutôt rare.

Qu’il est possible de montrer 3 à 4 roches différentes, magmatiques et sédimentaires.

Entre les deux collines, la traversée d’un champ de fractures bien visibles sur le bloc diagramme en fait un endroit unique permettant d’illustrer l’amincissement crustal.

Il est possible de retracer sur 600 mètres l’histoire géologique des Vosges à partir des granites vosgiens du Paléozoïque jusqu’aux conglomérats du Lattorfien (Oligocène).

Par conséquent, il permet d’illustrer la formation d’une chaîne de montagnes suite à une collision continentale, puis son altération, le dépôt de sédiments, la formation de roches sédimentaires dans un contexte de grandes transgressions marines.

Les ammonites du Jurassique pourront être observées au Musée d’Histoire Naturelle de Colmar.

Fiche d’identité 

Cartes associées IGN et géologique :

  • Carte IGN: TOP 25  3718OT Colmar-Kaysersberg
  • Carte géologique : Colmar-Artolsheim au 1/50 000

Roches : granite, grès, calcaire à entroques, calcaires à oolithes, conglomérats 

Age : du Primaire au Tertiaire 

Objet : failles, roches sédimentaires, fossiles 

Phénomènes géologiques : divergence, tectonique, formation du fossé rhénan 

Intérêts : étude des indices de la divergence dans un rift continental, paléoenvironnements 

Tectonique : faille vosgienne, couches verticalisées, champ de fractures

Fossiles : mollusques du Mésozoïque, calcaire à entroques

Recommandation : Les terrains se trouvent sur le vignoble alsacien. L’accord pour traverser les terrains est tacite. Mais cette traversée ne peut se faire de début septembre à mi-octobre.

Localisation du site 

Département : 68

Communes : Ingersheim-Katzenthal-Niedermorschwihr

Coordonnées GPS du stationnement : 48° 05’ 59 N / 7° 16’ 35 E

Chemin d’accès : Depuis Ingersheim, prendre la D11 jusqu’à Niedermorschwihr ; entrez dans le village, et garez-vous au parking qui se trouve à droite. Puis prenez la direction du Sommerberg en contournant le parking via sa partie Ouest ; descendez puis remontez. (Voir photo ? )

Sécurité : l’accès à la carrière de calcaire oolithique du Florimont est interdit.

Un paysage diversifié 

On y trouve un paysage diversifié se divisant en 4 secteurs, d’Ouest en Est :

  • Le plus haut sommet porte le nom de Sommerberg, coté Vosges, qui veille sur le pittoresque village de Niedermorschwihr ;
  • La double pente encadrant le col emprunté par la fameuse « Route des vins d’Alsace » qui vient de Katzenthal ;
  • La colline boisée du Dorfbourg, entaillée par une ancienne carrière dite du florimont ;
  • La plaine d’Alsace ou fossé rhénan.

Géologie locale particulière

Ce paysage s’explique par la géologie locale :

  • Le secteur est découpé en petits compartiments par des failles Nord-Sud dont la faille Vosgienne ;
  • Les roches changent rapidement de nature, essentiellement magmatique et sédimentaire ;
  • Les roches dures comme les granites et les calcaires ont mieux résisté que les roches tendres comme les marnes.

Des hommes à la manœuvre

Les hommes ont exploité ce paysage :

  • La vigne, plante peu exigeante, trouve une exposition favorable ainsi que des terrains de nature variée permettant la culture de cépages différents ;
  • Mais la pente est parfois forte, 30%! Il fallu developper des trésors d’ingéniosité pour arriver à cultiver ces terrains qui forment aujourd’hui, vus du ciel, de véritables tableaux.
  • La carrière du Florimont aujourd’hui abandonnée et inaccessible fournissait un très beau et résistant calcaire blanc.

Des roches variées

  • Le granite du Sommerberg, mis en place à de très grandes profondeurs lors de plissements hercyniens, 320 Ma environ, a été ramené en surface au cours du temps grâce à l’érosion de la couverture sédimentaire ;
  • Les roches sédimentaires permettent de reconstituer le milieu de formation ainsi que la géographie du passé. On y trouve des blocs de grès (mais pas d’affleurements) attestant d’un dépôt sur une plateforme continentale ; puis des calcaires et des marnes correspondants à des dépôts marins que les fossiles permettent de dater.

Le rôle de la tectonique des plaques

Ces roches sédimentaires du Secondaire se sont forcément formées à plat, s’empilant les unes sur les autres, les plus vieilles en dessous selon le principe de superposition. Or, ici, toutes ces roches sont cote-à-côte et souvent les plus vieilles sont disposées plus haut dans le paysage. Deux anomalies que la tectonique des plaques explique. Ce que nous observons correspond en réalité à de petits lambeaux de terrains verticalisés séparés par des failles, ce que l’on appelle un champ de fracture. (Voir le bloc diagramme). Cette verticalisation est observable sur un affleurement de bancs calcaire du Muschelkalk. Au début du Tertiaire, des failles découpèrent d’étroites bandes de terrains et les décalèrent en marche d’escalier au fur et à mesure de l’effondrement du fossé rhénan. Ce type de structure permet l’amincissement de la croûte continentale lors de sa déchirure qui conduit normalement à une océanisation qui n’a jamais eu lieu ici. On peut noter que ce champ de fractures se retrouve sur tout le piémont alsacien des Vosges, c’est donc lui qui expose si généreusement la vigne au soleil.

Comment faire découvrir l’histoire naturelle de ce lieu ?

  • Venir sur place, et vous serez probablement sous le charme, particulièrement au printemps.
  • A l’aide de la carte géologique de Colmar-Artholsheim au 50 000e, on peut trouver l’âge et la nature des roches présentes sur ce site et ainsi déduire les lacunes de dépôt où les contacts anormaux.
  • On peut aborder les effets du mouvement des plaques sur les roches avec un beau granite de Turckheim totalement découpé.
  • On peut observer un beau contact tectonique entre granite et grès.
  • La verticalisation des couches du calcaire à entroques du Muschelkalk permet d’aborder la notion de champ de fracture et de rifting.
  • La nature des roches qui explique leur résistance aux intempéries permet de comprendre facilement comment se sont formées les creux et les bosses du paysages.
  • Enfin, faire réaliser une colonne stratigraphique est là-aussi une activité très simple à mettre en œuvre. 

Le granite à deux micas de Turckheim

C’est un granite à deux micas, orienté ou non, dit de Turckheim. Il est fréquemment rubéfié (couleur rouge due à la cristallisation d’hématite libérée par altération) ou jaunâtre à grains de taille variable. Son débit régulier en bancs et le fait que quelques secteurs montrent une certaine orientation suggèrent des caractères granito-gneissiques. Dans sa partie méridionale, il se charge d’enclaves de Culm fortement métamorphisé ce qui lui confère un caractère magmatique tardif. (D’après la page 10 du livret)

Le contact Granite/Grès

C’est un contact tectonique qui s’est formé par le jeu de la faille vosgienne. Le compartiment gréseux ne repose pas sur le granite, il jouxte le granite qui est plus haut que lui dans le paysage. La couche de grès est donc descendue par rapport au massif granitique. L’affleurement n’est pas très joli car recouvert de végétation mais on devine bien grâce à la couleur où se trouvent les deux roches. Pour voir de beaux grès vosgiens, il faut descendre et l’observer au niveau des murs de soutènement (Voir photo chapitre suivant).

Le grès des Vosges

Nous sommes maintenant au Mésozoïque, au tout début, au Trias, et on observe une roche formée au Buntsandstein (= sable coloré) moyen. C’est le grès vosgien qui forme l’essentiel des reliefs. Il peut atteindre par endroit 180m d’épaisseur. C’est une formation détritique essentiellement gréseuse, assez grossière. Il formé de grains de quartz arrondis réunis par un ciment silicono-ferrugineux. Il contient 15% de fragments de feldspaths potassiques alors que toute trace de muscovite est absente. Des galets de quartz blanc ou noir et des lentilles d’argiles rouges sont disséminés dans la masse. Ces grès sont disposés en bancs épais de 0,50m à 6m. La stratification est oblique ou entrecroisée, le plus souvent horizontale. Aucun fossile n’a été observé. Il repose soit sur les roches cristallines du socle, soit sur des lambeaux permiens. Ces données permettent de réfléchir sur l’origine de cette roche. (D’après la page 13 du livret)

Le calcaire à Entroques

Nous sommes toujours au Trias mais après le Buntsandstein, nous sommes maintenant dans un calcaire formé au Muschelkalk, et plus précisément, sa partie supérieure. Ce calcaire à entroques qui fait 10 à 15 m d’épaisseur forme presque toujours un relief vigoureux dans le paysage, et c’est aussi le cas ici. Cet affleurement en bande étroite morcelé par des failles transverses est localisé le long de la faille vosgienne. (Revoir le bloc diagramme)

Le calcaire est massif, compact, bleuté à jaune sale par altération disposé en bancs métriques. Certaines roches sont pétries d’articles et de tiges d’Encrines facilement reconnaissables lors d’une cassure fraîche mais attention aux éclats.

Les couches de Marnes

Elles se sont formées au Lias, de l’Hettangien à l’Aalénien (Retourner sur le bloc diagramme). Là, pas d’affleurements spectaculaire, et pour cause: les roches meubles n’arrêtent pas d’être surcreusées par la pluie et le passage des tracteurs lors du renouvellement de la vigne. C’est donc l’explication de la présence d’un point bas dans le paysage. A l’automne, des blocs de d’argile sont plus visibles qu’au printemps. On ne voit pas facilement les fossiles d’ammonites, cependant, il existe au Musée d’Histoire Naturelle de Colmar une belle collection. J. Schirardin (1914, 1938 et 1960) a établi une zonéographie fine du Toarcien avec 11 espèces d’Ammonites.

Le calcaire oolithique

Nous sommes au Bajocien supérieur. Cette formation bien connue dans le paysage alsacien porte le nom de « Grande oolithe ». Ce faciès remarquable se développe puissamment et recouvre les deux dernières zones à Ammonites, zones à G.garanti et à P. parkinsoni. Ce sont des bancs métriques compacts de calcaire blanc. Les oolithes, qui ne sont pas des oeufs mais des billes de calcaires, se forment dans des milieux de moyenne profondeur assez agités à partir d’un nucléus, un peu comme une perle, puis se déposent sur le fond lorsqu’ils sont trop lourds.

Vocabulaire

Culm: nom gallois désignant un charbon. Faciès détritique du Carbonifère inférieur s’opposant aux faciès calcaires.(Page 83)

Encrine : du grec dans et krinon, le lis. Terme employé parfois comme synonyme de calcaire à entroques. (Page 106)

Encrinus : du grec dans et krinon, le lis. Genre d’échinoderme du groupe des Crinoïdes. (Page 106)

Entroque : du grec dans et trokhos, disque. Débris de tige ou de bras de crinoïdes reconnaissable à leur symétrie d’ordre 5, leur canal central et leur cassure brillante correspondant à un clivage cristallin de calcite. Les calcaires à entroques en sont entièrement formés. (Page 106)

Rubéfaction: du latin rubefacere, rendre rouge. Coloration en rouge des sols ou de la surface de certaines roches due à la cristallisation d’oxydes de fer (Hématite surtout) libérés par l’altération. (Page 263)

Sources

  • « Dictionnaire de géologie », Foucault et Raoult, 4e édition.
  • « Les roches bavardes, route géologique de la vallée de Kaysersberg » de Boutantin.
  • Livret de la carte géologique au 1/50 000e de Colmar-Artolsheim.

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